Nous avons posé quelques questions à Christian Bernadat, qui a écrit avec son père Roger le livre sur le France II que nous avons présenté au début de ce blog : "France II, le plus grand voilier du monde construit à Bordeaux", aux éditions de l'Entre-Deux-Mers. Il nous a répondu très gentiment et de façon très complète, c'était très interessant.
Voici nos questions et ses réponses:
Ecole de Tréguennec : Depuis quand aimez-vous la marine ?
Christian Bernadat : Depuis tout petit ! Je suis né à Bordeaux (en 1950 !). dans les années 50, mon grand-père m'emmenait souvent visiter le petit musée de la Marine que nous avions alors à Bordeaux (fermé depuis), et je faisais des maquettes de navires à voile en carton. Mon arrière-grand-père (qui était encore vivant) me conduisait aussi sur le port, et j'adorais assister aux manœuvres des cargos et des paquebots (Bordeaux était alors un grand port de commerce). Enfin, mon père travaillait aux Chantiers de la Gironde, le derniere grand chantier de construction navale à Bordeaux, qui a fermé en 1969. J'adorais aussi assister aux lancements des grands navires. Puis, plus tard, adolescent, nous eurent une maison sur le Bassin d'Arcachon, et mes parents achetèrent des bateaux de loisir à voile, d'abord un "caneton", puis un "Fam" de Klepper Marine, bateau ponté en résine de 5,40 m avec lequel, avec mon frère, nous avons sillonné le Bassin d'Arcachon alors que nous étions étudiants.
EdT - Comment avez-vous connu le France ?
CB : Comme je viens de vous le dire, mon père travaillait aux Chantiers de la Gironde. Avant d'écrire le livre sur le France II, nous avons écrit et publié chez le même éditeur l'Histoire de la construction navale à Bordeaux ("Quand Bordeaux construisait des navires"). C'est à cette occasion que nous avons commencé à nous interesser sérieusement au "France" (II), car il y a été construit et, comme nous le racontons en page 20, mon père, lors de la liquidation du chantier a eu en main les plans originaux du France, qui étaient encore en possession du chantier en 1969, et, trop honnête, n'a pas osé les subtiliser, alors qu'il avait conscience de leur valeur inestimable, et qui les savait voués à la destruction ! Ce crève-cœur l'avait fortement marqué, et il en avait beaucoup parlé à la maison : voilà comment j'ai entendu parlé pour la première fois du France II.
EdT : Votre père est-il allé dessus ?
CB :Evidemment, non ! Comme vous le savez maintenant, le navire s'est échoué en 1922. Mon père (décédé depuis 2007) était né en 1926, donc 4 années après la perte du navire. Mais il a fréquenté quelques "anciens" du chantier qui se souvenaient du lancement !
EdT: Etes-vous allé sur l'épave ?
CB :Non plus ! Ce voyage ne me déplairait pas, mais la Nouvelle-Calédonie, bien que française, n'est pas la porte à côté, c'est même, pratiquement aux antipodes ! Par contre, si, un jour, je réalise un voyage de tourisme là-bas, j'essaierais d'aller voir l'épave. Les photos publiées nous ont été gracieusement communiquées par l'animateur de l'association locale "Fortunes de mer" qui s'est donnée pour but d'explorer (en plongée) les innombrables épaves échouées sur le récif coralien (Cf. page 67). Par ailleurs, j'ai fais la connaissance à Rouen d'un maquettiste (qui vient de faire la maquette du France, que je crois vous avoir envoyé en photo - sinon, me la redemander), qui est originaire de Nouvelle-Calédonie, et qui m'a affirmé qu'on voit encore très nettement l'épave à marée basse depuis un col situé à proximité.
EdT : Comment avez-vous eu l'idée et l'envie de faire ce livre ?
CB : Comme je vous l'ai dit, avec mon Père, nous avons publié, en mars 2006, "Quand Bordeaux constuisait des navires", livre qui a très bien marché localement (vendu pratiquement à 1 000 exemplaires). Nous étions donc alors à la recherche d'un prolongement de nos travaux (nous avions pris goût à la recherche, à l'écriture, et à la publication de ce genre d'ouvrage), mais nous voulions rester sur un thème lié à la construction navale bordelaise. Très vite, il nous est apparu évident que, de tous les navires construits à Bordeaux, Le France II était celui qui méritait le plus que l'on écrive son histoire en détail : très peu de grands voiliers construits à Bordeaux au 20ème siècle, et le seul ayant acquis une renommée nationale, et même internationale, du fait que son record de taille (hormis les "Club Med" récents, mais qui ne sont pas reconnus comme de véritables voiliers) est resté jusqu'à ce jour inégalé. Enfin, par les informations accumulées par mon père, nous disposions de données jusqu'à présent inédites sur sa construction.
EdT : Quand l'avez-vous écrit ?
CB : Nous nous sommes mis à l'oeuvre dès l'automne 2006 . Il a été publié en mars 2008, mais dès octobre-novembre 2007, il était quasiment écrit, et heureusement, puisque mon père, hélas, est décédé fin décembre 2007. Il n'aura donc pas vu l'édition de ce second livre qui lui causait pourtant tant de plaisir !
EdT : Combien de temps avez-vous mis pour l'écrire ?
CB :Comme indiqué ci-dessus, environ 14 mois.
EdT : S'est-il vendu à de nombreux exemplaires ?
CB : Il n'a été édité qu'à 300 exemplaires, ce qui est évidemment très peu. Sur ce nombre environ 275 ont été vendus à ce jour, et ce malgré une publicité que j'ai fait passer dans le "Chasse-Marée". Mais il faut avoir conscience qu'en France, très peu de monde s'intéresse vraiment à l'histoire de la marine, contrairement à la Grande Bretagne ou aux Pays-Bas !